14 octobre 2008, j’habite au Québec. Aujourd’hui ce sont les élections fédérales canadiennes et la garderie ferme plus tôt pour que le personnel puisse aller voter. Notre fille a deux ans et demi. Tous les matins, elle et moi pleurons au moment de nous quitter, c’est un arrachement douloureux. Ma vie est intense et tendue, ce n’est jamais assez nulle part. J’adore mon boulot, mais je rêve secrètement de me diviser en deux. Non, en trois! La troisième partie dormirait pour les deux autres… À 16h, je suis immergée dans la rédaction d’une chronique radio et je me rappelle en sursaut que la garderie ferme à 16h, j’ai 25 minutes de route. Je suis paniquée. La garderie ne répond pas au téléphone. Mon coeur bat à cent à l’heure. J’imagine ma fille seule devant la grande baie vitrée, elle se sent abandonnée, elle pleure à côté d’une éducatrice qui tape du pied, bras croisés, sourcils froncés. C’est un drame! Je sens mes cheveux blanchir. Je voudrais hurler, compresser la route, remonter le temps, appuyer sur « retour en arrière ». Je maudits mon organisation. J’arrive en trombe à la garderie, je sue du cortisol. Puis, je la vois qui joue tranquillement, entourée d’enfants. Sur la porte: fermeture exceptionnelle à 17h.
Janvier 2021, j’ai beaucoup de cheveux blancs et j’apprends encore à me mettre moins de pression et à faire confiance.